23 février 2012
« Je vais grimper dehors ! » dit-il en imaginant déjà qu’il va perfer toute la journée.
Une fois au pied de la falaise. Très tôt. Personne. Parfait ! Alors, il y bulle, voir parfois descend dans les longueurs en rappel, histoire d’y poser ses paires. Il se peut même qu’il y passe sa corde, pour faire croire qu’il en redescend juste ou alors qu’il travaille le crux encore et encore.
Ici, nous écrivons « Il », mais ça peut très bien être « Elle ».
De ces journées performances et croix, bien souvent, il n’y a personne dans les parages au moment de la réussite. On ne retrouve plus l’assureur, ni les spectateurs. Curieux ? Une perf rendrait-elle place à la loi du silence mafieux?
Poursuivons notre panorama vertical, en nous dirigeant vers la pratique du bloc.
Perdu en forêt de Fontainebleau, « le ou la perfeuse » erre. Grosse motivation aujourd’hui, il a fallu se lever, faire « tout comme » aller à Bleau, et là, se faire punir par un problème qui ferait bien accroché au tableau de chasse.
Déception, vraiment, ce « foutu talon qu’il faut mettre derrière l’oreille droite avant de ramener la main en inverse, pour jeter sur un micro grat’ à 3 kms »… Bon alors vu que le bloc est « presque » réussi, vu que la journée passe, et vu qu’il n’y a personne…allez, tu prends ton topo, fais une jolie croix à côté du nom du passage et passe ton chemin. Il n'y a plus qu'à mettre tout ça sur 8a.nu.
Voilà, on y est, bon à quoi bon s’énerver. La résolution de problème se fait encore mieux lorsqu’on est seul?
Voilà, on y est, bon à quoi bon s’énerver. La résolution de problème se fait encore mieux lorsqu’on est seul ? Les alpinistes durant les années 1950 ont su parfois arranger leur ascensions, parfois même y voir le Yéti selon R. Messner. Les mensonges ou les arrangements font partie des courses plus souvent qu’on ne le pense. Qui est au sommet ? Personne. Alors pourquoi ne pas en profiter?
Altitude ? Je doute que les quelques mensonges entres amis qui ont eu lieu au Calanques (0m) ou à Bleau (95.2 = altitude du secteur) soient les conséquences d’une altitude trop importante. Donc, ce serait tout simplement courant, ça ferait parti de l’activité. Mais cela est trop généraliste et c’est beaucoup plus du cas par cas, c’est dans la personnalité de chaque grimpeur. Il semblerait que dans certains cas le plus important, ce soit la croix. Mais alors, pourquoi grimper ? Si on aime la croix, autant rentré dans les ordres religieux? Quelle idée. Mais grimper pour la croix et pour la reconnaissance de celle-ci par autrui, voilà le hic. On grimpe alors pour les autres et pour ce qu’ils ont comme représentation de nous.
Dans les années 1980, Patrick « le Blond » faisait des solos ultimes dans le Verdon. Son grand pote, Patrick « le Brun » (Berhault), faisait la même chose, mais sans caméra, considérant que le solo devait rester pour soi même. Et pourtant, c’était du même acabit d’engagement, de concentration…
On touche ici aux raisons qui nous poussent à grimper. Est-ce qu’on grimpe pour se raconter aux autres ? Se mesurer aux autres ? Se mesurer face à soi même ? Se mesurer face à Dame Nature?
Nous aurons toujours des petits mensonges, des petits doutes sur ce qui a été fait par untel ou untel. Le fait que ça nous embête, c’est qu’on y prête de l’importance. Il faudrait alors ne plus prêter d’importance aux cotations des autres, ou alors ne plus prendre comme un défi le fait qu’un proche dise avoir enchainé telle ligne et laisser les « sérials croiteur » face à eux même. De toute manière, on finira tous, avec l’âge, à trouver le 6a rude un jour.
Alors à chacun de voir l’escalade qu’il pratique. Celle éthique, celle qu’on accommode à sa manière?
En tout cas, pour revenir au titre de cet article, pour perfer à tous les coups, il faut essayer encore et encore. A chaque tentative, on se donne les moyens de se rapprocher de la réussite. Alors qu’en fabulant, je ne suis pas sur que l’on progresse, et je pense qu’à terme, on peut s’éloigner de pas mal de chose, de gens, et surtout de soi.